mardi 25 décembre 2012

Message de Noël 2012 de Son Eminence le Métropolite Emmanuel de France


 Le Christ de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit Lui-même, prenant la condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. (Phil 2, 6-7)

             Chers frères et soeurs en Christ,

             Aujourd'hui le mur qui nous séparait de Dieu est renversé et nous participons aux délices du Paradis! Notre esclavage séculaire prend fin en ce jour, car sur nous qui cheminions dans l'ombre de la mort, la lumière née de la lumière a resplendi. Le vrai Dieu né du vrai Dieu avant tous les siècles, le Verbe, Image immuable du Père divin, l'empreinte de son éternité, assume la condition d'esclave naissant dans le temps d'une Mère vierge, sans subir de changement. Le Dieu véritable demeure ce qu'Il était, assumant dans sa philanthropie ce qui lui était étranger, notre condition de mortel. Le Fils de Dieu en devenant Fils de l'homme manifeste au genre humain la bienveillance infinie de la Trinité à son égard. "Adam renouvelé avec Eve s'écrie: Sur terre est apparue la bienveillance de Dieu pour sauver le genre humain." (Stichères de prime)

            L'Avènement du Fils de Dieu dans la chair réalise et excède à la fois l'attente des Prophètes. L'Eglise l'atteste aujourd'hui en ses hymnes: "Toi qui pris la forme de l'humble créature faite de terre et qui, participant à notre pauvre chair, lui a communiqué la divinité, devenant homme et restant Dieu, toi qui relèves notre front, tu es saint, ô Christ et Seigneur." (Canon des latunes de la Nativité, Ode 3, 2)

            Comme les mages venus de Perse, admirons ce paradoxe qui humilie tous nos rêves de grandeurs et de domination! Contemplons la grotte et la mangeoire devant lesquelles ils furent frappés de stupeur en découvrant l'extrême pauvreté de Celui qui créa le monde et toutes ses richesses, "un nourrisson couché dans une mangeoire". Comme le dit l'Eglise en ce jour: "Ils furent saisis de stupeur non devant un sceptre ou un trône, mais devant Ton extrême pauvreté. Quoi de plus ordinaire que la grotte, en effet, et quoi de plus humble que les langes, dans lesquels resplendirent les trésors de ta divinité!(Hypakoï de la Nativité)

            En ces "mauvais jours" que nous traversons, frères et soeurs bien aimés, "sachons tirer parti de la période présente" (Eph 5, 16). "Saisissons l'occasion" qui nous est offerte en ce jour pour relever la tête! Ranimons notre espérance, puisque c'est dans ce qu'il y a de plus ordinaire et de plus pauvre que s'est manifesté le "mystère de Dieu dans lequel se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance" (Col 2, 3). 

            Oui, les "jours sont mauvais", comme le dit l'Apôtre. La crise économique qui s'est durablement installée dans notre pays, ne cesse de faire sentir ses ravages partout autour de nous. Qui d'entre nous n'a pas été touché de près ou de loin par le cortège incessant de malheurs et de revers qu'elle a engendrés. Les Etats semblent vaciller et le bonheur des peuples à jamais compromis. Les chrétiens semblent même être condamnés à disparaître en Orient, berceau de leur foi. La peur, l'angoisse et le désespoir, ces ombres de la mort, ont étendu partout leur empire. 

             Mais tous les maux que nous subissons ont leur source dans le coeur de l'homme contemporain qui a perdu toute relation avec son Créateur: "Car c'est du dedans, du coeur des hommes, que sortent les desseins mauvais" (Mc 7,21). L'Apôtre Paul ne nous avertit-il pas que "ceux qui veulent amasser des richesses", "tombent dans la tentation, dans le piège, dans une foule de convoitises insensées et funestes, qui plongent dans la ruine et la perdition" (1 Tim 6, 7-10). L'homme contemporain semble avoir oublié cette évidence salutaire: "Nous n'avons rien apporté dans le monde et de même nous ne pouvons rien en emporter"! Au contraire, pour s'être livré sans mesure à l'acquisition de biens passagers et pour se les êtres accaparés au détriment de leur prochain, "certains se sont égarés loin de la foi et se sont transpercés l'âme de tourments sans nombre". Mais ils portent également la responsabilité de la chute d'un grand nombre dans le malheur et dans le désespoir. 

            "Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu" (Mt 5,8), voilà la béatitude véritable à laquelle nous invite le Seigneur! C'est dans la pauvreté et le dénuement matériel ou moral, en toute pauvreté de coeur, que nous pourrons aller à la rencontre du Christ qui naît à Bethléem et voir naître en nous Celui qui vient "dresser sa tente parmi nous" (Jn 1,14), non pas à la manière d'un prince de ce monde, mais comme un étranger. Celui qui s'anéantit Lui-même, prenant la condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes, en se faisant pauvre et étranger, est venu sauver l'homme devenu étranger à Dieu et indigent de sa grâce divinisante. 

            C'est parce qu'il a volontairement partagé notre misère que nous trouvons en ce jour le motif de relever le front et de nous réjouir en proclamant: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre, bienveillante parmi les hommes" (Lc 2,14). 

           En mon nom personnel, et au nom de mes frères évêques, membres de l'Assemblée des Evêques Orthodoxes de France, je vous souhaite une très belle et lumineuse fête de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ. 

                                                    Avec tous mes voeux paternels,

                                              Le Métropolite Emmanuel de France